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La vie de Stan Pérouse
14 septembre 2006

Episode 5 - Rendez-vous extérieur

Même si le chef n'est pas un forcené du rendez-vous extérieur, il faut bien un jour ou l'autre, sortir de la tanière et montrer au prospect que le commercial a aussi un visage. Ce n'est pas qu'une voix au téléphone ou une signature en bas d'un email. Je préfère rester à l'abri de mon bureau climatisé mais lorsque les circonstances l'exigent, je revêts mon plus beau costard et j'affronte la réalité du terrain. Beaucoup de clients me l'ont dit : ma voix fait la différence. Je m'en suis donc contenté la plupart du temps. Mais le chef de produit que je viens voir aujourd'hui a tout simplement exigé de me rencontrer avant de signer quoique ce soit. A l'ancienne, les yeux dans les yeux, avec la poignée de mains en guise de signature. J'ai bien senti que je n'avais pas le choix. Le montant du contrat n'a rien de mirobolant mais il pourrait être le début d'une longue série. Ca ne se refuse pas ce genre de promesse. Je suis donc en bas de l'immeuble avec dix minutes d'avance, comme toujours. Etre en avance permet de reprendre son souffle et se préparer mentalement à servir la soupe. L'hôtesse note mon nom et le nom de ma société. Elle m'octroie un badge sophistiqué et me prévient que mon interlocuteur est en ligne mais sera prévenu de mon arrivée via l'intranet dans quelques secondes. Accueil irréprochable, le sourire est parfait même si l'on peut regretter son côté un peu mécanique. Mon interlocuteur est retardé par une réunion qui se prolonge. Son assistante me met à l'aise en relevant la climatisation. Elle me propose un café que je refuse. Les mains sont déjà moites, inutile d'aggraver la situation. Je n'ai jamais fait de théâtre mais à chaque rendez-vous commercial, j'ai l'impression de monter sur scène. Le rythme cardiaque s'accélère, les mains sont humides, le ventre se noue, c'est comme si ma vie dépendait tout d'un coup de l'issue de la rencontre. Les choses me tiennent à coeur, c'est mon style.

Mon hôte a semblé convaincu par mon discours. Avec la petite remise d'usage, l'affaire est entendue. Echange de bons procédés, échange de poignées de mains, beaucoup de virilité dans son regard. C'est sans doute ce dont il avait besoin, lui faire oublier toutes ces bonnes femmes au boulot qui lui pourrissent la vie.

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